<
Illusion d’exhaustivité
C’est donc en cherchant quelque chose (ou en ne cherchant rien) qu’on découvre autre chose d’une importance considérable, voire capitale, ce qui nous ramène inévitablement au «quotidien et ses tentatives d’épuisement». Étymologiquement, le mot épuiser tire son origine du mot puits, que l’on met à sec en en tirant toute l’eau qu’il contenait, d’où le trope vers un tarissement des énergies vitales, c’est-à-dire causer la disparition de quelque chose, utiliser complètement (Antidote 8, v. 5.5) ou, par analogie, la relève de l’entièreté des données dans un recensement. Épuiser un sujet implique aussi d’une certaine manière en tirer toutes les possibilités réflexives en l’observant de façon exhaustive.
>
<
Comme la sérendipité, l’exhaustivité est une francisation du mot anglais exhaustion, néologisme tiré du latin exhaustum: «vider en puisant», de haurio: «tirer, et ex: hors de» (Gaffiot, 2011: 279-336). Le terme est créé par le philosophe britannique Jeremy Bentham
>
<
Confortablement installé à la terrasse du café de la mairie, place St-Sulpice, Perec recense ce qu’il appelle l’infraordinaire, ou comme il l’explique dans un dialogue avec Bernard Noël, «ce que l'on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n'a pas d'importance: ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages» (Bellos, 1994, 37).
>
<
la présence devient un effet lorsqu’un objet suscite une réaction ou, du moins, attire l’attention par le seul fait d’être présent, le fait d’être là, à un endroit en particulier, à un moment donné
>
<
Dans son Trajet de l’œil, Bernard Noël écrit «[v]oué à la réalité, il y a un moment où j’écris ce que je vis, et un autre où ce que j’écris me vit […] L’écriture chemine depuis la périphérie de la conscience jusqu’à ce centre où rayonne l’œil qui la voit, se voit, me voit, se voit me voir, et par conséquent m’écrit» (1988: 69-70).
>
<
Pour en revenir à l’intention à l’origine de ma réflexion, Edmundo Morim Carvalho, dans son étude sur le Paradoxe de la recherche, définit la sérendipité comme «l’art paradoxal de se laisser surprendre par les phénomènes quand rien ne prédisposait d’accorder de l’attention à ce qui n’était, à première vue, qu’un accident, une insignifiance, un bruit de fond dépourvu d’intérêt» (De Carvalho, 2011: 387).
>
<
«ce que l'on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n'a pas d'importance: ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages» (Bellos, 1994, 37).
>